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Racine africaine dans la cuisine de Bahia : le munguzá de maïs blanc dit canjica

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 » Le lait de noix de coco est l’un des condiments les plus populaires au Brésil, notamment au Nord-est et au Nord, sauf par les états de Pará et d’Amazonas dont le lait de noix-du-brésil domine (…). Il (le lait de coco) particularise certaines gourmandises (…) étant largement utilisé dans la cuisine afro-bahienne et ailleurs dans le couscous, munguzá, canjica et canjicão et encore vingt autres recettes, avec des huîtres, des crevettes, des langoustes et dans les soupes. »

CASCUDO, Luís da Câmara, 1898-1986. História da Alimentação no Brasil – São Paulo: Global, 2004, p. 113.

 » Dans les villes, les ressources augmentairent à cause de la vente des produits préparés et offerts par les femmes noires aux places publiques et aux ports; angu, (…) du maïs cuit en épis ou des graines servis en bouillon, ou sucrés, le munguzá des noirs aussi nommé canjica au sud du pays, des gourmandises venues de Bahia … « 

CASCUDO, Luís da Câmara, 1898-1986. História da Alimentação no Brasil – São Paulo: Global, 2004, p. 204.

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Le munguzá est un plat de la cuisine afro-brésilienne ou plutôt afro-bahienne, c’est-à-dire, un plat d’influence africaine adapté aux ingrédients de l’état de Bahia (mon cher terroir) avec une touche épicée du Portugal. Même si le maïs est d’origine américaine (comme la pomme de terre et les piments), c’est la façon de lui préparer qu’on a appris avec les africains (au Brésil nous étions plutôt manioc ^^). La culture africaine est fortement présente dans la formation de la culture bahienne et je trouve ça un privilège énorme, ça me fait sentir connectée à ce continent qui j’espère un jour pouvoir visiter.

Le munguzá ou « porridge de maïs blanc » trouve son origine chez le cachupa du Cap Vert, un plat salé de maïs blanc. Au Brésil, il a été adapté en version sucrée, agrémenté du lait de noix de coco national et épicé à la cannelle et au girofle amenés d’Inde par Portugal. Pour moi, il s’agit d’un plat brésilien par excellence car il mélange la culture culinaire de trois peuples qui sont à la base de notre formation : les noirs africains, les indigènes brésiliens et les portugais colonisateurs. Parfois la nourriture peut nous montrer d’une façon si simple d’où nous sommes venus, qui sommes-nous aujourd’hui, qui on a envie d’être dans le futur. L’Afrique EST constitutrice de notre identité brésilienne et il nous faut le faire attention. Ça me fait mal au coeur le triomphe du racisme dans mon pays, la méconnaissance des apports que l’Afrique a donné à notre formation (agriculturale, religieuse, culinaire, technologique, sociale, personnelle …), la prise de droits des peuples indigènes qui souffrent toujours les conséquences du discours du progrès. Pardonnez-moi pour ce cri du coeur, c’est juste que je suis toujours émue et triste par l’assassinat de Marielle Franco, femme noire de la favela dont la mort parle fort sur la question raciale au Brésil. Politicienne et sociologue qui défendait les droits de l’homme, qui dénonçait la violence dont les personnes noires sont victimes au Brésil et qui invitait les femmes noires à faire bouger les choses, Marielle a été victime d’un meurtre politique dans un État qui ferme les yeux face à l’exclusion socio-raciale et qui permet la violence mortelle contre nos citoyens noirs. Excusez-moi le ton de cet article. 😦

Mais revenons à la cuisine. Cette variété blanche de maïs s’appelle canjica. C’est pour ça que vous allez trouver la recette de munguzá parfois nommée comme canjica, mais attention : le nom du maïs est canjica, le nom du plat est munguzá. Mu’kunza dans la langue africaine kimbundo signifie « maïs cuit ». Pour le visualiser, vous pouvez penser à un riz au lait de noix de coco ou à un porridge légèrement sucré à base de maïs blanc. À Bahia on le prend au petit déjeuner ou pour le dîner quand il fait froid, mais surtout il fait partie du banquet traditionnel de la fête du feu de la Saint-Jean au nord-est du Brésil. En juin qu’est-ce qu’on mange du maïs par ici !!!

Munguzá chaud patate canjica 03.jpgIngrédients

  • 250 g de maïs blanc cru séché
    • cherchez aux magasins de produits brésiliens par CANJICA BRANCA MUNGUZÁ (la blanche, plus gouteuse) ou CANJICA AMARELA (la jaune en dernier cas);
    • sinon, cherchez par des maïs blancs cuits en boîte, alors pas besoin de cocotte-minute et vous pouvez passer directement à la deuxième étape de la recette.
  • 2 bâtonnets de cannelle
  • 10 clous de girofle
  • 1 pincée de sel
  • 300 ml de lait
  • 200 ml de lait de noix de coco
  • 100 g de sucre
  • cannelle en poudre pour saupoudrer

Préparation

Dans une cocotte-minute, à feu doux, faites cuire à l’eau le maïs avec les épices et le sel pendant vingt minutes à compter du moment où la vapeur commence à s’échapper de l’autocuiseur (cuisson à l’étouffée). Ce temps est suffisant pour faire sécher l’eau et ne pas trop cuire les graines de maïs qui doivent garder leur mâche. Des maïs trop cuits ont une texture cassante et pas agréable.

Laisser décompresser tout doucement, ouvrez avec sécurité votre cocotte et versez le lait. Faites bouillir sans couvercle, en remuant de temps en temps pour éviter que le maïs colle au fond de votre cocotte. Coupez le feu et ajoutez le lait de coco, notre cerise sur le gâteau qui fait cette recette incontournable. Goûtez et sucrez selon votre goût.

C’est impératif de le servir chaud (et saupoudreé de cannelle en poudre) car l’amidon du maïs refroidi tend à épaissir le truc en donnant une texture plutôt de riz au lait. On envisage ici une texture de soupe sucrée si on peut le dire comme ça, avec des maïs fermes sous un lait crémeux parfumé aux épices indiennes qui venues au Brésil par Portugal font partie de notre culture culinaire.

Petite astuce : si vous ne dévorez pas la totalité du munguzá, rajouter toujours du lait au moment de réchauffer votre recette car l’amidon naturel du maïs aura épaissi le lait. Rectifiez le sucre si vous jugez nécessaire et faites attention pour ne pas trop cuire les graines.

Avec cette recette je participe au Bataille Food #55, un défi de cuisine à thème inauguré par le  Bistro de Jenna à 2013 et aujourd’hui organisé par Stéphanie du blog Par amour des bonnes choses, suite au passage de flambeau de Cécile du site Et rond, et rond, petits platapons. Elle nous a proposé de réaliser de petits plats faciles et réconfortants, à faire dans une cocotte (minute pour moi) et que je sers dans une gamelle pour déguster bien cocoonée.

Liste des participants : b2ap3_thumbnail_ob_24db05_img-4392_20180110-130304_1.JPGStéphanie de Par amour des bonnes choses – Jenna de Le bistro de Jenna – Carole de Ramène la popotte – Hélène de Keskonmangemaman ? – Martine de Grain de sel et gourmandise – Lina de Le chaud patate – Gridelle de Les voyages de Gridelle – Cécile de Platapons – Catalina de Le blog de Cata – Aussi délicieux qu’un gâteau – Sophie de Little things – Maggy de Magg kitchenette – Marie de United colors of macarons – Marwa de L’effet marwouah – La cuisine maison, et pourquoi pas moi ? – J’ai toujours aimé le jaune moutarde – Katia de Katia au pays des gourmands – Carine de Chic, chic, chocolat – Natly de Une cuisine pour Voozenoo – Julie de Les gourmandises de Julie – Lova de Graine de faim Kely – Peggy de Mes plats au quotidien, mais pas que – La médecine passe par la cuisine– Elodie de La cuisine d’une Toquée – Valérie de 123 dégustez – Giulia de Un zest de soleil – Gabrielle de Petites cuillères et charentaises.

10 réflexions au sujet de « Racine africaine dans la cuisine de Bahia : le munguzá de maïs blanc dit canjica »

  1. Je suis curieuse de voir si je peux trouver de quoi préparer cette belle recette… En tout cas j’ai appris énormément de choses en lisant ton article et j’aime beaucoup ta recette 😉
    Stéphanie

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